ARMENIA ~

WHO ARE U ?

WHERE ARE U FROM ?

Je viens du Nord. Là où le vent ne cesse de souffler. Là où la neige ne s'arrête jamais de tomber. Là où ne pousse que les taillis les plus robustes. Là où le froid règne en maître. Je viens de là où le corps est constamment mis à l'épreuve. Je suis née en hiver, certes, mais ici il se confond tant avec l'été que cela n'a même pas d'enjeu et de risques de voir le jour à cette période de l'année. Mais peu importe, puisque tous s'y habituent. J'ai vécu beaucoup de choses que je ne citerais pas car ce n'est ni mon souhait, ni celui de ceux qui les ont partagées avec moi. Et puis, dans votre propre intérêt, j'aurais plutôt la délicatesse de n'évoquer que le plus simple et le plus sobre.

Il est vrai que je suis née bien entourée, destinée à faire honneur à ma famille. En effet, étant la fille d'une des juments les plus convoitées du pays, je me devais d'être fière et de continuer sur cette voie. De plus, mon père n'était autre que le chef de notre clan, et bien que je ne sois pas sa seule progéniture, je fus de loin l'une de ses favorites. J'étais fille unique, et ma mère ne souhaitait d'ailleurs pas me donner de petit frère ou petite sœur. Je devais absolument réussir, en somme. Pour ne pas lui attirer hontes et ennuis, et d'ailleurs aussi pour mon père, qui avait dès la naissance arrangé ma vie future auprès de l'un des plus beaux mâles du troupeau. De nombreuses pouliches m'enviaient et me jalousaient, de nombreux poulains voulaient devenir mon ami, voire plus.

Au début, je dois avouer que je ne comprenais pas ces marques d'affections ou de mépris, mais cela me plaisait de sentir que j'étais quelqu'un, et je vivais avec. Cependant, lorsque l'on fêta mon deuxième hiver, ma mère me pris à part et m'expliqua que, dorénavant, j'allais devoir vivre en compagnie de Heddie, le mâle auquel mon père m'avait promise. N'y voyant aucun inconvénient, je n'avais pas réellement hésité et j'avais accepté mon sort. Heddie était un mâle très séduisant, charmant, attentionné. Comment aurais-je pu me douter de quoi que ce soit ? Il était gentil avec moi, prenait soin de ma personne avec tant de prévenance que j'en suis tombée totalement amoureuse. Et je pensais qu'il partageait les mêmes sentiments.

Il s'avéra malheureusement que non. Il me trompait. Lorsque je l'appris, je n'eus qu'une envie : mettre un terme à ma vie. Mais j'avais trop de fierté pour ça, et mes parents avaient placés trop d'espoir en moi. Je devais me venger. Alors, un soir, alors que Heddie avait prétendu avoir quelques affaires à régler avec d'autres mâles, je l'ai suivi. Je savais évidemment qu'il allait simplement retrouvé sa concubine. J'avais tout préparé, tout chronométré. Heddie avait bien choisi l'endroit. Une grotte sombre, peu profonde, entourée et cachée par des buissons compactes. Il la rejoignit. Il l'embrassa, lui chuchota quelques mots que je n'entendis pas. La haine qui me submergeait m'assourdissait. Elle pouffa, se colla contre lui, glissa ses naseaux sur sa joue. Je n'en pouvais déjà plus, la colère faisait tant trembler mes membres que je cru un instant que je ne parviendrais pas à faire ce que j'avais décidé. La voix forte de Heddie me fit réagir, et je sortit de mon mutisme.

Je me suis élancée sur lui, surveillant la jument du coin de l'œil. Ils ne s'y attendaient absolument pas. Mes dents se plantèrent dans la jugulaire avec une férocité que je ne me connaissais pas encore. Je put sentir le pouls s'agiter, le sang couler dans ma bouche. La femelle cria. Cela ne changea rien, déjà, Heddie s'écrasait sur le sol. Il n'était pas encore mort, mais je fut persuadée que c'était fini pour lui lorsque mon sabot s'abattit sur sa gorge et qu'il cessa de respirer. Voilà, ç'en était fait de Heddie. Me restait sa pute sur les bras. Elle avait tout vu, je ne pouvais la laisser filer. Alors, elle subit le même sort que l'étalon, mais ne termina pas couverte de poussière, à côté de son bien-aimé. Non, je pris bien soin de la jeter dans la rivière qui coulait non loin de là. Je n'ai même pas regardé son corps disparaître dans l'obscurité, emporté par les flots. Cela ne m'intéressait pas.

Le lendemain, on me réveilla brutalement. On m'expliqua que Heddie avait été tué dans la nuit et qu'on venait de le retrouvé mort dans une grotte. Je réussis à feindre la tristesse, le désespoir durant tout le temps qu'on souhaita me voir ainsi. Enfin, prétextant un trop grand mal-être au sein du troupeau depuis la mort de mon cher étalon, je suis partie en solitaire. On me proposa évidemment de m'accompagner, mais je déclinai chaque offre. Je souhaitais réellement être seule.

J'ai longtemps voyagé à travers les buissons éparses de longues plaines enneigées. J'ai longtemps cherché un sentier pour me mener vers le sud. J'ai parcouru de longues distances, distançant par la même occasion le lieu de ma naissance et de ma folie. Oui, car j'étais devenue folle. Je le savais, je le sentais. Je ne maitrisais pas les pulsions qui faisaient que, lorsque je voyais un jeune couple heureux, je tuais d'abord l'étalon, sous les yeux de sa compagne, puis la jument, et la cachait tout comme je l'avais fait auparavant. J'avais acquis de nombreuses techniques, j'ajustais mes attaques, je choisissais les cibles avec soin. On peut dire que j'avais atteint un certain niveau dans ce domaine. Un beau jour, je suis arrivée sur une terre que les chevaux rencontrés aux alentours nommaient "Life Horse". On me dit que c'était un endroit rêvé, un véritable havre de paix. Alors, j'ai pris le chemin qui devait m'y mener, selon les indications des autres, et je m'y suis retrouvée par un soir d'automne.

HOW ARE U ?

Rien ne justifie mes actes passés. La colère serait sans doute retombée si j'avais su attendre suffisament, et le pire ne serait pas arrivé. Il ne faut pas omettre le fait que cela m'a rendu complétement folle. Peut-être dangereuse. Voire dingue. Je suis névrosée, paranoïaque, atteinte. Je le cache, malgré le fait que je n'en soit pas toujours consciente. Il m'arrive d'être dans les nuages. Si on met à part le fait que je deviens incontrôlable lorsque je rencontre un couple, je suis foncièrement incapable de faire du mal, même si l'on me traite salement. Je suis du genre naïve, voire niaise et ingénue. J'ai une gueule d'innocente sans même le faire exprès. Il est réellement difficile de décrire ce que je pense, comment je fonctionne, et c'est donc pour cela que je n'entrerais pas dans les détails, de peur de déformer ma propre personnalité. Je vous laisserais simplement le soin de faire ma rencontre et de juger par vous-même, si vous le souhaitez.

LIKE & DISLIKE

J'aime les couchers de soleil à l'horizon, les rares bourrasques chaudes en hiver et les rares bourrasques froides en été, le ciel dégagé ou complétement lourd de nuages, mais pas un mélange des deux. Le soleil le matin lorsqu'il réveille tout le monde mais pas l'après-midi parce qu''il éblouie les yeux. J'aime le bruit du vent dans les feuillages, les craquements des branches sous les sabots, même si il m'insupporte en étant trop répétitif, à force. J'aime le goût de l'eau pure, celui des poires mais pas des pommes. J'aime l'acidité du sang lorsqu'il a coagulé. J'aime l'odeur de la sève des pins en hiver, l'odeur des premières fleurs au printemps. J'aime la couleur du sol couvert de feuilles d'automnes. J'aime le bruit de la brise légère et de la tempête assourdissante. J'aime les voix des autres. J'aime les sons graves et claquants, tout comme les doux murmures. J'aime le contact de la peau. J'aime de nombreuses choses, en somme.

Je déteste les températures extrèmes. Cela me met hors de moi. Je déteste les brises qui soufflent continuellement. La pluie qui tombe en averse lorsqu'il fait chaud et qu'il ne devrait donc pas, selon moi, pleuvoir. Les rayons du soleil qui arrivent directement dans les yeux m'exaspèrent à un point. Je hais les bruits sporadiques et brusques que l'on remarque bien trop à cause de leur discontinuité, ainsi que les cris et hurlements qui me donnent envie de tout casser. Je n'aime pas les odeurs trop sucrés. Idem pour les aliments. Je déteste les couples, je déteste ressasser mon passé, je déteste devenir folle, je déteste perdre le contrôle. Tout ce qui peut susciter en moi une peur ou faire remonter des souvenirs est à bannir. Tout ceux qui me rappellent ce que j'ai perdu fait naître en moi une envie de meurtre. Je hais voir les arbres nus. Je déteste beaucoup de choses, en somme.