Gone with the Wind...
Avec "?"

Quand mes rêves se froissent et mes îles se noient...
Un mur de bambou. Il se dresse face à moi, fier, arrogant. Essayes-tu de me défier ? Pourquoi imposes-tu ta grandeur à notre regard, bloquant notre route, nous empêchant d'aller au delà, de découvrir ce que tu caches. Quel est ton secret ? Qu'y a t-il derrière cette porte de bambou que tu cherches à dérober à mon regard ? De quoi nous protège tu quand tu empêches un vent froid de glacer nos os ?
J'ai beau te parcourir de long en large, nulle ouverture, à peine une fente pour jeter un coup d’œil de l'autre côté, et tout ce que j'arrive à percevoir est une lumière blanche et envoutante, qui renforce mon envie de découvrir ce que tu caches. Je m'arrêtes, te regarde, te contemple. Quelques plantes grimpent le long des tubes verts de bambou, s'élèvent encore plus haut, tentant d'atteindre la lumière que leur dérobe le mur végétal, s'élevant toujours plus vers la chaleur d'un soleil qui venait réchauffer la nature. Trop chaud. Même à l'ombre le soleil tapait violemment, pas un souffle de vent ne traversait le bambou; trop calme; trop lourd. Je m'éloigne un peu, je recherche la fraicheur. L'ombre d'un arbre proche soulage mon dos, brulé par les rayons, ma robe noire absorbe toute cette chaleur, j'envie les chevaux blancs. La transpiration coule le long de ma robe, qui déjà est souillée par endroit. Mes flancs, mon encolure, mes épaules, lentement se recouvrent d'eau tandis qu'à l'ombre d'un arbre j'attends un peu de fraicheur. Je devrais partir, m'éloigner de ce mur qui bloque tout souffle de vent, aller dans la plaine rechercher la fraicheur, mais je n'en ai pas envie.
Ce mur qui semble me tenir tête, moi aussi je veux lui imposer ma présence pour quelques heures. Et peut-être un autre équidé aura la même idée que moi. Peut-être seront bientôt deux à souffrir de la chaleur, face à une végétation qui nous regardera souffrir sans un bruit, la défiant inutilement.
Inutilité; n'est-ce de toute façon pas le meilleur mot pour décrire la vie ? Aviez vous remarqué qu'inutilité rime avec futilité ? Nos actes ne sont que le reflet du sens de notre existence....

La tête haute à l'ombre d'un arbre, sa robe brillante de transpiration, la jument noire attendait que peut-être un autre fou la rejoigne.

Eteins la lumière...
L'étalon signala sa présence par un hennissement, auquel je répondais par un ronflement de naseaux uniquement destiné à lui signifier que je l'avais entendu. M'ébrouant, j'envoyais des gouttes de sueur sur le sol; la moitié d'entre elles s’évapora avant même d'avoir effleuré la terre séchée et par endroit craquelée. Je relevais lentement l'encolure, toisant l'inconnu qui ne passait guère inaperçu avec sa robe blanche, tranchant sur la verdure environnante. Je fixais ses yeux, son regard semblait couler sur moi comme de l'eau; quel étrange sentiment que d'être regardée ainsi, la neutralité, j'eusse été une chèvre qu'il ne m'aurait surement pas regardé différemment.
C'est agréable, mais pourtant légèrement frustrant. Je ne suscite aucun intérêt en lui ? Un tel regard peut cacher bien des sentiments, autant ne pas l'interpréter hâtivement.
A y regarder de plus près, il me semble que cet étalon me rappelle quelque chose. Peut-être l'ais-je déjà croisé quelque part, sur ces terres ? Il ne doit pas être le seul cheval blanc ici, et peut-être me fourvoies-je, pourtant quelque chose en lui me rappelle quelque chose, un vague souvenir, je le confond peut-être avec l'une de ces ombres qui hantent ma mémoire défaillante.
- Bonjour...
Je romps finalement le silence. Je ne suis pas familière avec les politesses habituelles qu'échangent les autres équidés, ces paroles répétées car appartenant à la bienséance, auxquelles je ne trouve qu'un intérêt réduit - pour ne pas dire inexistant - La plupart des chevaux répètent ces phrases, telles que "Vous allez bien ?" mais ils n'ont que faire de la réponse, qui sera presque toujours positive, car il serait mal vu de répondre à la négative et de commencer à exposer ses problèmes.
- Vous me rappelez quelqu'un, mais je n'ai pourtant pas le souvenir de vous avoir déjà rencontré. Vous êtes ?
Demandais-je avec une esquisse de sourire à l'intention du cheval blanc. J'étais rarement aussi avenante, je préfère laisser les autres parler, et réfléchir à leurs paroles. Mais aujourd'hui je n'ai pas envie d'observer et de me questionner, je ne veux pas replonger dans ma mémoire à la recherche des bonnes choses à dire et à faire. Ma quête de connaissance attendra. Aujourd'hui, je vais prendre part à ce jeu de marionnettes qu'est la vie.