× Le temps ne comptait plus beaucoup pour Antartica. Elle marchait, marchait, ombre sans âme, sans savoir où elle allait. Elle avait perdu ce qu'elle avait eu de plus précieux, une vraie famille, et surtout Prince. Elle était désespérée, elle ne mangeait plus. Sa silouhette autrefois si belle et souple avait perdu de sa beauté, elle était si maigre ! Son regard était froid et vitreux, ses crins lisses et raides. Elle ne panachait plus sa queue comme elle le faisait jadis, fière et belle.

Elle leva les yeux, son regarda se porta sur ce qui l'entourait : une vallée. Il faisait tard, le soleil était déja couché lorsqu'Antartica se trouvait en ce lieu magique. Oui magique en effet, car cette vallée était pleines de lucioles qui, une fois la nuit tombée, rendait ce paysage merveilleux. La jument grise en vis plusieurs, et même une qui, chose rare, la fit rire. Son rire, qui était un hennissement, s'envola dans les aires, telle une plume que l'on aurait jeté. Puis elle continua sa marche, silencieuse et triste.

Antartica eu un petit sursaut lorsqu'il prononça son nom. Elle n'avait pas entendu sa voix depuis si longtemps. Et "Antartica" était si beau quand il le disait. La jument grise soupira. En effet, elle était en proie à un véritable combat intérieur : une partie d'elle lui soufflait de laisser tomber Prince, et une autre lui soufflait de tout lui pardonner. Le regard vide, elle s'avança d'un pas. Elle vit sa silhouette se dessiner dans l'ombre de la lune qui était pleine. Un silence lourd pesait sur la vallée. Il semblait à la jument que tous les animaux s'étaient tus pour laisser place à leur future conversation. Oui, car elle comptait bien avoir une explication, même si elle ne savait pas pourquoi.

Les yeux fermés, elle se laissait gagner par la colère et la déception. Elle n'avait, pour ainsi dire, pas vécu durant quelques semaines à cause de lui. Elle savait qu'il comptait bien trop pour elle pour qu'elle le chasse. Elle resta là, immobile ombre, attendant que son Prince vienne lui parler, lui expliquer. Elle voulait être comme avant, quand elle était si belle, si joyeuse ... car à présent elle était triste, perdue, seule, pleine de regrets ... Le vent était tombé. Il n'était plus que deux. Antartica regarda droit en face d'elle. Il fallait affronter le présent.

Les yeux fermés, le coeur battant la chamade, la jument grise tentait de se calmer. Elle voulait parler à Prince. le retrouver, peut être, ne sait-on jamais ? Elle voulait maintenant, plus que tout, avoir un moment privilégié avec lui, le temps qu'elle lui pardonne, le temps qu'il s'explique. Oui, car Antartica avait décidé de renouer avec lui, même si une partie d'elle même ne lui pardonnerait jamais. Mais après tout, ce n'est pas de la faute de l'étalon baie si il a perdu la mémoire ? Enfin, la ju' marcha, le plus vite qu'elle pouvait, car elle était si faible ...

Elle se trouvait en face de Prince, lui bloquait le passage car elle savait qu'il s'apprêtait à partir. Il était si beau, mais il avait un peu changé. Son visage avait gagnée en maturité, cela le rendait plus fort. Elle détourna le regard de cet être qu'elle aimait tant. Elle ne voulait pas remuer les souvenirs éprouvants qu'avait provoqué son absence, puis sa perte de mémoire. Le temps ne semblait plus exister pour la jument Arabe. Elle ne savait plus trop depuis combien de temps elle était là, envahie par la peur puis par la colère, puis par la tristesse ... Tout cela était tellement bizarre ! Elle dit doucement :

- Prince ... Te revoilà ...

Que pouvait-elle dire ? Son coeur allait exploser, elle avait envie de crier de joie et de colère en même temps. Elle poussa un longs soupire dans le but de s'apaiser intérieurement.

- Les galops ... Le combat ... L'arbre ... dit-elle d'une voix à peine audible.

L'arbre. Le lieu magnifique où ils s'étaient rencontrés. le lieu où sa vie solitaire avait été basculée...