Le jour où sa mère est morte, Soyeon n'a pas versé la moindre larme.
A vrai dire, durant toutes les funérailles, il a seulement contemplé le cercueil où reposait le corps de sa mère, l'air indifférent, endormi. Son père lui, était effondré de chagrin.
Depuis ce jour, le père de Soyeon est terrifié par son fils dépourvu d'émotions. Autrefois, avant l'enterrement de sa mère, il était si joyeux, si plein de vie... Peu après, il l'a emmené à l'hôpital pour subir un examen du cerveau. Résultat : Soyeon est un psychopathe, c'est-à-dire qu'il comprend les émotions mais ne les ressent pas.
A vrai dire, Soyeon n'était pas un psychopathe. Du moins, sa personnalité ne collait pas avec la définition d'un psychopathe, pour autant qu'il le sache. Il n'avait jamais trouvé d'attrait à maltraiter qui que ce soit, ni à commettre des actes de délinquance. Il ne s'était même jamais senti supérieur à qui que ce soit. Il n'avait jamais rien senti, tout court. Il était quelque chose de nouveau dans la nature humaine. Les médecins s'étaient arrêté sur leur première conclusion, sans voir plus loin que le bout de leur nez.
Et c'était très bien comme ça.

C'est seulement trois mois après la mort de sa mère que Soyeon a fait son voyage vers Life Horse.

Soyeon contemplait le vide de son éternel air endormi, écouteurs sur les oreilles. Il écoutait n'importe quel style de musique, mais jamais aucun n'a été capable de lui faire ressentir la moindre émotion. Il n'avait jamais cherché à en ressentir une d'ailleurs.
Il se remémora sans attrait les quelques rateaux qu'il avait envoyé en pleine figure de certaines filles de son école. Elles, elles s'étaient mises à pleurer comme pas deux. Lui, il s'était contenté de s'éloigner. Il n'avait ni ressenti regret, ni pitié, ni colère, ni même satisfaction. Le calme plat. Il n'avait même pas pensé qu'il avait blessé les filles. Rien.
Mais ce soir là, un sourire éclaira son visage. Il allait pouvoir dormir, et rejoindre le pays des rêves. S'évader. Ne plus être humain. A à peine sept heures du soir, il s'endormit avec joie.
L'un des mystères de la vie de Soyeon, c'est qu'il est incapable de ressentir la moindre émotion. A moins de rêver. Il n'expliquait pas lui-même cette fascination pour le monde du rêve, du sommeil. Personne ne l'expliquait. Elle était juste en lui.
C'est ainsi qu'il se réveilla le lendemain matin métamorphosé en cheval. Personne n'était là pour l'accueillir, et Soyeon s'en fichait. Cheval ou humain, quelle importance ? Il se mit à arpenter le paysage, s'habituant peu à peu à son nouveau lui-même, en se redonnant un nom choisi au hasard dans la langue de sa mère. Mais au fond de lui-même, il était fasciné par cet évènement, et s'il ne s'était pas senti on ne peut plus vivant, il aurait cru à un rêve. Une nouvelle vie commençait pour lui, une nouvelle vie pleine de rêves et de songes, qui peut-être sauront lui donner ne serait-ce qu'un peu d'attrait pour la réalité...

Soyeon est un garçon des plus singuliers. Dans la réalité, il arbore toujours un air endormi. Lorsqu'il marche, on dirait un zombi qui se promène, lorsqu'il regarde la télévision, il ne semble même pas y faire attention. Il est indifférent à tout, rien n'est capable de le toucher. Il pourrait voir un homme se faire écraser par une voiture, il ne réagirait même pas. Même chose s'il assiste au magnifique spectacle d'un paysage enchanteur dans lequel galope des chevaux... La guerre en Irak ? Rien à faire. Un vaccin contre le SIDA ? Rien à f**tre. Maman est morte ? M'en fiche. Oui, vraiment, Soyeon est aussi indifférent que cruel. Sa vision du monde est si indéchiffrable que l'on aimerait plutôt mettre fin à ses jours que tenter de déchiffrer ce garçon. Mais parler lui donc de dormir. Ah ! Il réagit ! Quel est ce changement ? Tout simplement, Soyeon est fasciné par le monde du rêve. Il veut dévouer sa vie à l'étude de cet autre monde, où tout est permis, où l'imagination est enfin libérée de ses chaînes. S'il pouvait dormir sa vie durant, rien que pour étudier ce phénomène d'un peu plus près, il n'hésiterait pas. Bienvenue dans sa tête, là où tous vos songes sans queue ni tête prennent un sens bien particulier...

Soyeon n'est pas un dieu vivant, ni un démon vivant. C'est un garçon normal. Son corps se développe bien, ses muscles sont ceux d'un jeune homme, plus un enfant mais pas encore un véritable homme. Il a des cheveux noirs très épais et en bataille, qui couvre son crâne dans un désordre total. Il aime bien y placer un bandeau à carreaux, mais ça ne les dompte d'aucune façon. Ses yeux prennent une couleur vert émeraude en général, bien qu'ils ont tendance à prendre des tons bleus ou foncés selon l'axe du soleil et de la lumière. Sa peau est bazanée. Il a un look très mixé, partant du fils à papa jusqu'au emo, en passant par le skater, le travesti et le gothique.

Une fois sous forme de cheval, Soyeon / Aghan se retrouve dans le corps d'un grand étalon d'origine inconnu. Gris en hiver sous son épais poil réchauffant, ses tâches pommelées ressortent une fois le retour de l'été, lorsque sa fourrure est rase. Il a de longues oreilles fines et mobiles, une tête droite et rectangulaire, ainsi que ses éternels yeux à demi-fermés, comme s'il dormait. Son encolure est fine et régulière, droite et basse, son garrot très marqué. Son dos est très courbé, et sa croupe rebondie et osseuse. Ses jambes sont longues et graciles, ses crins longs et fins. En fin de compte, Aghan ressemble plutôt à un cheval d'âge mûr, voire en fin de vie, qu'à un jeune poulain.