Et elle trottait aussi, dansante et joyeuse. Elle chantonnait n'importe quoi, ne s'écoutant même pas. Ses oreilles dressées, ses sabots montant bien haut pour un simple trot, elle s'amusait toute seule. Elle fit un enchaînement de quelques petits bonds discrets, et, ayant finit de jouer la sauterelle, elle pila net. Là-bas, près du lac, un étalon. Elle l'observa de loin, curieuse. Il était massif, plutôt fort sans être lourd. Il avait une allure puissante - il galopait en ce moment-même. Ses crins étaient révoltés, et sa robe était originale. Il avait une raie de mulet, et... Soudain, il pila net. Juste en face de Nawel, qui était encore réfugiée dans les bois. Elle fronça les sourcils. L'avait-il vu ? Non, il ne lui sembla pas, puisque son regard ne croisa pas le sien et que l'étalon ne semblait suspecter aucune présence. Elle huma l'air. Le vent dans la figure ; donc lui l'avait dans le dos. L'étalon frappa de ses antérieurs sur le sol humide et se projeta dans l'eau. Culpabilité colérique. L'alezane fit la moue et, d'un trot engagé et moins joueur, s'avança vers lui. Préférant éviter toute embrouille, elle préféra signaler sa présence d'un ronflotement discret, une fois arrivée à cinq ou six mètres de l'inconnu, qu'elle dévisageait toujours avec ce naturel déconcertant - aucune agressivité justement, juste un naturel à l'état pur et brut. (EDIT :) Elle n'avait pas vu la jument, un peu plus loin.

C'est quand elle suivit le regard de l'étalon qu'elle aperçu la jument blanche. Grise, plutôt. Au corps lui aussi souple et puissant. Elle se dressa un peu plus, fière, histoire de ne pas paraître fébrile face aux deux inconnus. Alors, elle continua de s'avancer. Aux premiers mots, l'étalon lui paru de bonne augure. Ce fut l'effet inverse qui se produisit quand elle entendit parler la grise ; dans sa voix, quelque chose de profond, d'ancien, la dérangea. Elle acquiesça, muette quelques instants, ce qui lui ressemblait si peu. Elle secoua ses crins. Elle n'avait pas pour habitude de se baser sur des premières impressions. Mais quand c'était un instinct, soufflé, poussé, par quelque chose d'inconnu ? Nawel renâcla. « Enchantée. Moi c'est Nawel. J'aime beaucoup ton nom. » Ajouta-t-elle vers la jument grise. Joueuse Fantôme. C'était plutôt pas mal. Elle tourna sa fine tête vers l'étalon, esquissa un sourire. Un sourire franc, sincère, mais très bref. Une seconde, deux peut-être. Nawel était comme ça, il fallait s'y faire. Elle souriait toujours comme ça. Ou très souvent. Mais bref ne rime pas avec peu. Chez elle, un sourire bref était doté d'une puissance neuve. Si elle ne voulait pas sourire, elle ne souriait pas. Elle n'avait pas sourit à la grise. « Et toi, tu es ... ? » Lui demanda-t-elle, de sa voix à la fois cristalline, presque enfantine, mais aussi puissante et farouche. Elle observait celui dont il lui manquait le nom, de ses petits yeux brillants.