La mousse sous ses sabots éliminait tout bruit qui aurait pu être produit. Les arbres immenses empêchaient la moindre brise de s'infiltrer parmi leur feuilles innombrables. Une légère buée sortait avec régularité des naseaux veloutés du mâle brun. Les roses étaient mortes pour la plupart en cette période de l'année mais un parfum un peu fade embaumait continuellement l'air frais. Quand les silhouettes efflanquées de deux chevaux, l'une pie, l'autre brune apparurent dans le champs de vision du mâle sombre, il ronfla des naseaux, légèrement puis eut un rictus cynique. L'expression qui lui serait venue à cet instant - si seulement elle avait été courante de son langage, aurait été assez vulgaire. La gène et l'ennuie puissant qui l'envahirent au moment dit provoquèrent en effet son arrêt. Enfin semi-arrêt. Car il repartit tout de même quasiment instantanément, ni plus vite, ni plus lentement vers les deux chevaux anémiques et frigorifiés.

La première, car c'était une pauvre femelle asservie par sa vie, ne l'accueillerait surement pas à bras ouverts - si l'on accepte un abus de langage. Le second, le petit maigre et brun qui se tenait à ses côtés, au regard arrogant et impudent, le fixait du regard, défiant ça raison. Peut-être sa vie qui sait ? Le petit avait bien grandit depuis la dernière fois, cette voluptueuse dernière fois. Notre étalon eut l'air pensif un instant, un gloussement condescendant dans sa gorge sèche, puis recomposa sans mal son masque de cynisme froid. Mur de glace qui le séparait et l'élevait au reste du monde.