Elle était un peu plus loin. Ou beaucoup plus loin. Elle n'en savait rien, étant donné qu'elle n'avait pas aperçu l'inconnue. Elle se croyait seule. Dans sa tête, il n'y avait aussi qu'elle et les fruits. Elle et le ciel. Elle et la terre. Et le soleil. Et l'horizon. Mais personne d'autre dans sa prison. Elle ne voulait enfermer personne avec elle. C'était bien trop étroit dans son esprit, dans sa prison de pensées et de rêves irréalisables. Dans ses murs d'envies et de besoins insensés. Incompréhensible, voilà comment on la qualifiait. Elle aurait pu rester là-bas, se contenter d'une vie où elle avait des proches et de quoi manger. Mais non, ça ne lui avait pas suffit. Alors, elle était partie, aussi simplement que ça. Elle observa une pomme, à la peau aussi rouge que le sang. Elle la détailla, admira ses formes, ses courbes gracieuses. Puis, d'un coup de dents habile et vif, elle la croqua. Puis, ne supportant pas de rester inactive trop longtemps, elle se redressa et repartit, trottinant, la tête haute, le cœur battant, les oreilles pointées, et un fier désir de liberté sur le bout du nez ...

Nawel continuait toujours de trottiner. Le vent dans le dos la poussait en avant ; elle ne sentait ainsi aucune odeur. Mais au détour de quelques arbres croulant sous le poids des fruits bien mûrs, elle se retrouva nez à nez avec une belle jument blanche. Elle pila des quatre fers, agile et vive. Elle observa l'inconnue avec un regard critique ; pas méchant, juste observateur. Puis, alors, elle se recula un peu, comme si elle souhaitait avoir une vue d'ensemble. Un sourire, bien qu'un peu prudent, immense, fendit son visage avec naturel et décontraction. " Bonjour ! Moi c'est Nawel, et toi ? " Elle n'aimait pas vouvoyer, c'était comme ça. Cela venait naturellement chez elle. Elle avait parlé d'une voix claire et directe qui avait résonné clairement. Elle accompagna ses paroles d'un hochement de tête, et d'un regard pétillant.

Quand tu reculas, Nawel fronça les sourcils mais ne dit rien. Elle garda le silence, attendant que tu lui répondes. Quand tu le fis, elle remarqua ta voix, quoique douce, timide et hésitante, contrastant bien avec la sienne, qui était franche et osée par moment. Elle te sourit, cherchant peut-être à te rassurer, te mettre en confiance. Elle, elle était entièrement détendue. Ce n'était pas dans sa nature que de se poser mille questions, et de se créer problèmes sur problèmes, de ce fait, impossible à résoudre. Elle hocha la tête, un fin sourire, mi-amusé, mi-enchanté, dansant sur ses lèvres. Le sourire disparu vite. Chez elle, c'était souvent bref, mais sincère, toujours. " D'accord. Enchanté, Billie. Ca fait longtemps que tu es là ? En tout cas, pas moi, et j'aime déjà cet endroit ! "

Elle s'ébroua, faisant valser ses longs crins fauve. Elle remarqua tout juste le malaise de cette nouvelle rencontre, mais Nawel ne s'y arrêta pas. De manière fugace, elle lui lança un regard amical. Puis elle détourna les yeux pour observer les alentours. « Oui c'est vraiment joli. Et puis, ça respire la joie de vivre, et l'été aussi. » Nawel aimait bien parler. Elle ne parlait jamais pour rien, et même si elle acceptait parfois le silence, il ne lui plaisait pas lorsqu'il était tendu ou gêné. Elle jeta de nouveau un coup d'oeil à Billie. Franche et directe, elle trouvait la jument blanche plutôt timide. Mais elle savait accepter les autres comme ils étaient. « Tu viens rassembler des pommes avec moi ? Enfin, si tu en as envie bien sûr. Et sauf si tu préfères que l'on fasse quelque chose d'autre ! Ensemble.. ou pas hein. » Précisa-t-elle en adressant à la blanche un sourire amusé, toujours si sincère mais bref.