L'herbe drue et grasse se pliait sous mes sabots. Le soleil effleurait à peine la colline, et mes paupières commencèrent à retomber sur mes yeux. J'étais si fatiguée que n'importe quel petit coin douillet pouvait faire l'affaire pour la nuit. Il me semblait déjà dormir quand tout à coups, il me pris une de ces secousses, qui vous fait trembler des oreilles jusqu'à la queue. En réalité, cela était plus une secousse occasionnée par mon imagination que par la réalité. Malgré cela, il me sembla avoir repris des forces... comme si j'avais dormi plusieurs heures et que je m'étais éveillée là, dans cette vaste colline. Je me sentais en pleine forme, avec dans le cœur, l'envie de faire la fête. Malheureusement, il ne se trouvait autour de moi que de petite fleures accompagnait de petites abeilles qui virevoltaient autour des pistils engourdis de pollen. Je ne voulais plus qu'une chose c'est m'amuser. M'amuser en sautant partout ou courant entre les arbres! Mais je n'en fis rien. Je m'allongeai plutôt sous un arbre, fermai les yeux et l'envie de remuer s'évaporer agréablement avec mes rêves qui montaient par milliers dans ma tête. Mon oreille frémit un instant. Un vent frais et matinal effleura mes naseaux qui tremblotèrent à cette venue. Je ne savais plus très bien où je me trouvais, et avais perdu tout mes repères. Je me trouvais là, comme oubliée quelque part, et ce quelque part que je ne reconnaissais plus. J'avais dormi toute la nuit, et le soleil était déjà levé depuis un bout de temps. Je n'attendais alors qu'une chose, croiser quelqu'un qui pourrait se trouver là, avec moi, et apprécier ma compagnie de joueuse perpétuelle[...]

Il était tard et pourtant le soleil était toujours là. Impassible, tu avançais parmi l’herbe haute. Tes sabots l’écrasaient. Toi, tu avais un petit sourire en coin. Au loin, tu l’avais vu. Une jument. Ô oui, tu avais déjà, être perfide, des idées en tête. Tu voulais, comme dirais-tu, te la mettre dans la poche. Tu t’avançais vers elle, froid, glacial, dur, impitoyable. Ta queue fouettait l’air. Tu avançais. Tel un empereur déchu. La tête embrouillé, tu cherchais à comprendre, tu te remémorais ta rencontre avec Elle. Elle te manquait. Par-dessus tout. Par-dessus le remord, l’espoir, il restait la souffrance et le manque de la personne que l’on aime. C’était si dur. Ô tu crie, peste. Tu cherche à te défaire de tout ce qui te gène. Ces sentiments qui te collent à la peau. Tu es encore loin de la demoiselle. Tu l’as observé depuis longtemps. Elle semble naïve. Nouveau sourire. Tu t’approche de plus en plus. Ton attitude change. Tu semble être un gentleman. Gracieux. Tu n’es plus qu’à quelques mètres. Tu la regarde. Blanche. Elle a l’air si pur. Une occasion de la rendre impur … Tu te mets près d’elle et souffle à son oreille : « Bonjour, puis-je connaître le nom de cette si charmante Demoiselle ? » Ô ton mielleux que tu prends. Tu as l’air si doux, comme perdue. Alors que tu ne l’es en aucun point. Tu es sur de toi, connaît par cœur ce qu’elles répondent, ces juments que tu tortures. Oh oui ! Tu les connais tant. Elles sont toutes sures d’elles alors qu’au fond, elles ne sont rien. Tu es tout. Contraste.

Un gouffre. Un gouffre noir, profond, sans issu. Un gouffre où tu ne peux sortir. Tu t'agrippe. Et même si tu utilise toute ta force, toute ton énergie, tu retombe. Alors tu vas dans un coin. Et ce gouffre devient ton asile. Un asile fait de douleur et de haine. Tu te sens de nouveau submergé par la haine. Tu les hais. Tu as des envies de meurtre. Le sang te vient. Tu les entends. Ces mêmes phrases qui se répètent en boucle. Tu hurles, rage, peste contre ce mauvais sort. Tu veux encore la voir. Mais tu es enfermé dans ce gouffre. Ce gouffre, c'est ta conscience. Ta conscience qui résiste, qui veut vivre. Tu t'es enfermé, seule, te créant comme une bulle. Tu ne sais plus ce qu'est l'extérieur. Tout est noir. Dans la réalité comme dans la fiction. Tu étouffe, hoquète. Tu ouvres les yeux. De longues années dans une torpeur sans nom. Dans un monde si différent du vrai. Tu ne comprends plus. Ou est la réalité ? Ta réalité. Tu hurle encore une fois. Son nom se répète en échos. Tout bourdonne. Tu retombe. Le voile revient, et avec elle, le néant …

Encore ces souvenirs qui te revienne. Encore une souffrance multiple. Peut-être cette jument voit au fond des tes yeux cette tristesse qui t’habitera toujours. Tout le monde le remarque un jour ou l’autre. Certains non. Il y a tellement d’abrutis dans ce bas-monde. Tellement de gens niais. Parfois tu les envie. Eux au moins, ils n’ont pas assez de raisons. Ils ne comprennent même pas pourquoi ils vivent. Tu aimerais bien être pareil parfois. Juste essayer pense-tu.