De quelle lumière se dore le jour qui finit ?

Ice Wing & MoonRed

Toujours l'ombre sait se parer de lumière, car l'un ne subsiste sans l'autre. Comme la nuit se pare d'étoiles, le jour toujours offre à chaque chose une ombre.
Il n'y avait que du sable. Un éternel sable jaune tirant sur l'ocre. Pas un souffle de vent ne venait effleurer la surface des dunes, pas une empreinte ne venait briser leur surface lisse. Pourtant, perdue au milieu de ce monde mort, une source continuait bravement à couler, apportant autour d'elle la ressource nécessaire à toute vie, permettant à plantes et arbres de pousser. Le soleil qui déjà brillait haut dans le ciel, sonnant l'heure de son zénith, commencerait bientôt à étirer les ombres de chaque brin d'herbe.
Dans ce monde de lumière que l'ombre n'avait pas encore gagné, une jument à la robe grise, tâche noire et blanche sur un paysage ocre coupé par le vert d'une herbe qui semblait irréelle, se désaltérait. Son museau plongé dans l'eau tiède se releva. De fines gouttes coulèrent le long des courts poils de l'extrémité de son museau et de ses moustaches. Certaines vinrent s'écraser sur le sol, d'autres s’évaporèrent avant d'avoir atteint leur but, d'autres encore restaient accrochées aux poils gris, venant alourdir leur extrémité.
La jument s'ébroua. Sa robe était recouverte d'une fine couche de sueur que le sable n'avait pas encore taché. La quiétude de l'endroit compensait la chaleur insoutenable. Les oreilles pointées vers l'avant, Ice Wing s'éloigna de l'eau pour aller profiter de l'ombre relative offerte par un arbre. Puis, un bruit.

Bien relative quiétude à l'ombre des arbres, car déjà brisée par l'approche de la peur, sournoise, qui se glissais dans chaque muscle de la jument, le tendant, le crispant, tandis que le bruit des sabots d'une jument inconnue se rapprochait. Ice Wing releva la tête, laissant son ouïe lui indiquer la localisation actuelle de la jument, et attendant l'approche de l'animal, elle s'efforçait de décontracter ses muscles, qui déjà, gagnés par la peur de cette rencontre, faisaient souffrir la jument grise par leur crispation.
Elle s'ébroua, s'efforçant de rester calme. Après tout ce n'était qu'une jument. Que pouvait-elle bien lui faire ? Sa paranoïa maladive lui criait de fuir, mais fuir, était-ce une solution ? La jument ne pourrait passer sa vie à fuir. Fuir le contact avec les autres, fuir l'indolence des conversations, fuir toute forme d'attachement... Fuir le danger, cela se révélait parfois vrai. Tous les chevaux n'étaient pas bons, mais certains n'avaient-ils pas montré de la douceur et de la gentillesse à son égard ? Alors pourquoi continuer à les craindre tous ? Mais c'était plus fort qu'elle. Quoi qu'elle fasse, la peur était bien là, grondante, et gagnant en pouvoir à chaque pas de la jument inconnue qui la rapprochait d'Ice Wing.
Finalement ce fut la jument grise qui fit un pas en avant, puis un deuxième. Affrontant sa peur elle fit quelques pas dans la direction de la jument. Oh oui, elle avait toujours aussi peur, mais sans combat elle ne gagnerai jamais. Elle attendit alors que la jument s'approche. Inspirant profondément, elle fit une chose qu'elle avait bien rarement faites durant ces dernières années, et prit la parole la première.
- Bonjour.
Idiote formule de courtoisie, car elle ne savait quoi dire, et qu'elle comprenait bien que seul ce mot pourrait lancer la conversation qu'elle redoutait tant.
Dit, la peur, tu me regardes ? Vois comme je m'oppose effrontément à toi.

[Haha c'était à moi de répondre en fait ]

L'inconnue sentait-elle sa peur ? Surement. Pourquoi la nature avait-elle rendue cette odeur si reconnaissable ? Comme pour guider le prédateur vers sa proie... Tandis qu'elle essaye d'échapper à la mort qui se rapproche. La jument me répondit, aucune sympathie particulière dans sa voix, mais pas d'antipathie non plus. Comment le prendre ? Quel est son état d'esprit actuel ? Puis sa question. Directe. Un "tu" qui claquais, signifiant bien à Ice Wing que c'était à elle et non une autre qu'on s'adressait.
Le silence ne s'installa pas longtemps, peut-être dopée par l'angoisse la jument grise réfléchissait rapidement, analysant la situation. Elle ne cachait pas sa peur, mais tenta de la mettre de côté pour réfléchir à tête froide, essayant de discerner les intentions de l'inconnue. Elle écoutait ses crins claquer doucement contre son encolure, et laissait son regard terne glisser devant elle. Cet instant qui lui parût si long alors qu'il était à l'inverse étonnamment court fut rompu par sa réponse à l'inconnue.
- Vous ne me demandez pas mon nom d'abord ?
C'était une question rhétorique, elle n'attendait pas de réponse. Sa voix neutre avait légèrement trembloté sur la première syllabe avant de s'affermir légèrement. Était-ce ainsi que réagissaient les lapins lorsqu'ils se savaient condamnés et tentaient de faire preuve de bravoure une dernière fois ?
- Ce que je fais ici... J'imagine que je suis perdue ?
Ce n'était ni une affirmation, ni une question, pourtant elle fit sonner sa phrase comme si elle attendait une réponse, une confirmation peut-être ? Un coup de vent souleva un nuage de sable qui vint se poser doucement, comme une fine poussière sur la robe de la jument grise, s'accrochant à la sueur générée par la chaleur à peine diminuée par la proximité de l'eau.