Le vent caressait délicieusement la grande plaine verte. D'un léger contrecoup il fit basculer les herbes, chavirer les roseaux et s'envoler l'amas de plumes blanches qui régnait sur le sol. Dans un bruit frénétique les colombes s'éclipsèrent dans le grand ciel bleu, les ailes déployées, abordant un nouvel horizon.
Une nouvelle vie.


" Quelle est cette odeur ?"
...
Le vent doux caressait son corps, l'impression étrange d'être nu le laissa coït. la pureté de l'air emplissait maintenant ses poumons, et sans un mouvement il restait étendu sur le sol, ses hanches touchant l'herbe grasse, ses paupières closent de sommeil.
Le soleil revint à la charge, se courba sur le corps somnolent seul dans cette plaine. les oiseaux s'arrêtèrent et descendirent non loin de là, pour le moindre du monde effrayés.

" Quel est ce bruit ..."

Les sensations le parcourait, le chatouillait de fond en comble. sa personne entière en tremblait, comme acquit d'un pouvoir nouveau, totalement différent.
Il ouvrit les yeux avec déférence, sur ce monde nouveau. Au loin, juste au dessus de lui s'élevait un ciel bleu pâle, azuré, ne ressemblant certainement pas au plafond blanc de sa chambre d'hôpital.
Sa tête lui pesait lourd, il la souleva et découvrit un cou musculeux, accompagné d'un corps tout aussi fournit.
dans un même geste il se leva complètement, comme par instinct, ses membres se placèrent automatiquement où il le fallait.
Son regard éperdu sur l'horizon il analysa avec prestance la situation.

- Dieu m'a libéré, qu'il en soit ainsi.

Jem' releva cette tête pesante, étendit cette encolure musclée, et apprivoisa du même geste chaque nouvelle altération de son corps. Eperdu, tout simplement, il était éperdu de grâce.
D'un vif coup d'œil il déclina la grande plaine verte qui s'étendait à perte de vue. Des possibilités infinies s'étendaient devant lui, pourtant il ne se démenait pas, ne se déchargeait pas du droit chemin.

- Dieu m'a fait ainsi. L'horizon se lève à mes yeux, je n'ai qu'une chose à faire, je ...

Ses grands yeux bleus se détournèrent légèrement, au loin un profil noir crevait la beauté paisible de l'environnement. Il se détacha de sa contemplation et découvrit une forme équine, qui sans nuls doutes, s'approchait vers lui.
Le regard calme et froid il s'exhaussa de quelques pas en avant, fit battre frénétiquement et par instinct sa longue queue blanche parsemée de crins alezans.

- Dieu amène la vie vers ma contemplation de ce nouveau monde, je la recevrais et l'aborderait comme il en convient.

Tout ici sentait le renouveau, de l'air purifié, à l'étendu luxuriante. Il en était sûr et certain, rien ici n'était de son monde, absolument rien. Et peu lui importait, car la grâce de Dieu l'avait fait venir jusque là, l'avait fait s'arrêter à cet endroit, et maintenant l'aguichait d'une nouvelle présence.
Il ferma doucement les yeux et respira profondément. Cette présence équine était en toute sûreté, consciente. C'était obligatoire, la lueur qui régnait entre ses yeux était celle de l'intelligence, de l'être pensant et pouvant accéder à la religion.
Il dégagea ses naseaux puissamment, et fit vibrer son corps dorénavant étonnamment musclé.

Il ouvrait les yeux, face à lui toujours ce même être qui se déambulait inlassablement. Comme la vie devait être morne et longue lorsque l'on avait aucune foie. Une vie froide et abattue. Pourtant une étincelle rayonnait dans les magnifiques prunelles de Jem', un magnifique scintillement qui n'excluait pas toute l'envergure dont il prenait dorénavant part.
D'un geste souple et vif il s'avança, droit, noble, rayonnant d'un on ne sait quoi charitable.
La vie n'avait autrefois rien offert à Jem', sa religion et ses cultes avaient fait peur au monde qui l'entourait. Pourquoi ? Simplement parce que c'était des moutons, tous à se suivre le nez dans l'arrière train de l'autre. Alors ils avaient peur, peur du changement, et puis, c'étaient des imbéciles dont la capacité intellectuelle ne dépassait pas celle d'une carotte. Il y avait des exceptions à la règle malgré tout.
L'étalon s'approchait donc, le regard flamboyant, sa renaissance le laissait encore coït, son corps tout entier raffolait de la moindre parcelle de vent qui se couvrait contre ses flancs. l déglutit paisiblement, alors c'était ça la liberté ?
Jem' avait passé sa vie entière cloitré dans un appartement. A sa majorité il était dans un hôpital psychiatrique, comme quoi les humains étaient vraiment paranoïaque du moindre changement.
Pourquoi en était-il arrivé là ? D'ailleurs à l'âge d 15 ans ? Parce qu'il avait brûlé des chats morts dans la rue ? Ces êtres vicieux et impotents dont la conscience avait mal tournée au cour des année. Mais ça encore, c'était long à expliquer.
Alors il avançait toujours, croisant son regard glacé avec l'étalon noir de jais, d'un noir resplendissant. cendre.
Il s'arrêta à quelques pas et creva l'air de sa voix grave et puissante, une voix de souverain, celle du messie qu'il serait.

- Bonjour.

Il n'y avait pas de résonance dans sa voix, juste une conviction. Il sourit avec appréhension, les yeux étincelants.

- Je suis Heaven.

Tout le corps de Jem' en tremblait, cet être face à lui parlait, semblait comprendre. Il avait eut raison de voir la conscience dans les yeux de cet équidé qui dans l'autre monde n'aurait été qu'un animal superficiel.
Dorénavant deux possibilités s'offraient à lui, soit ce Spunk Ransom était comme lui, ou soit il venait tout simplement d'ici. Les yeux étincelants, il contemplait avidement le corps sombre mais à la fois luisant de cet étalon. Son dos se courbait avec appréhension, dans un frémissement indistinct il se rapprocha de cet être qui lui aussi ne cillait pas.

- D'où viens-tu ?

La question était à double sens, et il dépendait de l'origine de ce cheval pour faire basculer la réponse.
L'air frais et doux s'apitoya sur le pelage lisse de Heaven, faisant rouler le moindre de ses muscles, chaque possibilité enivrante de son corps.
Dieu avait fait de lui un être puissant, il le savait, son esprit de son jadis corps s'était entonné dans ce qu'il aurait toujours dut être.
On ne pouvait pas dire que Jem' n'était pas intelligent, avant qu'il ne tourne en hôpital il faisait prouesses sur prouesses. Pourtant l'admiration de ses collègues n'avait été que peur. Personne ne voulait d'un adolescent aussi orienté que lui, personne. Il le craignait, lui et ses yeux bleus éperdus, lui et son regard flamboyant de force dans son corps frêle et fin.
Dieu a refait de lui ce qu'il n'avait jamais été, il a construit en son cas l'existence qu'il n'était pas. Alors maintenant, plus rien ne peut l'arrêter.

Le soleil blafard s'esquissait avec véhémence sur leurs profils figés. Les ombres mouvaient lentement au grès des nuages qui surpassaient les rayons ocres. La terre entière semblait remuer ce jour là, accueillir en son corps ces deux nouvelles consciences.

Un frisson d'exaltation le parcouru, doucement il posa ses yeux sur le sol, sourit et les releva pour percuter les magnifiques prunelles vaironnes de Spunk.

- Alors toi aussi ...

Il se prit lentement à la réflexion, ses pensées étaient restées les mêmes, son esprit n'avait pas changé avec son corps Il n'était pas différent. Quelques secondes après il reprit.

- Crois tu en quelque chose ou quelqu'un Spunk ? Quel est ton idéal et ton but dans cette vie morne et lasse ?

Il disait chaque mot avec une platitude effroyable. son air était calme et concentré, ses yeux flamboyaient, enivrants.
rien ne pouvait l'arrêter.

Il reposa ses yeux sur le sol ... Un sourire se dessina sur ses lèvres, croire en soit. Il soupira avec tristesse et reprit l'étalon, ou plutôt le jeune homme, yeux dans les yeux. Ainsi il pouvait contempler l'étendue du regard vairon. de magnifiques yeux.

- ... Peu sont comme toi.

Il reprit une bouffée d'air, cette fois-ci il n'avait plus besoin de fixer les yeux de son interlocuteur, il se tourna vers la plaine. Sa posture et sa voix se décontracta, enfin, il pourrait parler librement à cette personne, elle était comme lui, Dieu l'avait amenée vers lui.

- Les humains ne sont que du bétail, plus les années passent et plus ils se suivent entre eux. De temps en temps ils se doutent de quelque chose, que la société les usent à leur dépend, les régule dans le sens de se coller le nez dans le derrière de l'autre et d'avancer. pourtant cette société est devenue intelligente, alors elle les fait croire en leur utilité propre. Quels bande de cons.

Il secoua machinalement sa belle tête alezane.

- Et toi, es-tu l'un d'eux ?

Un sourire se dessina sur les lèvres du mâle, tout allait parfaitement comme il le sentait à l'avance. Ses grands yeux bleus s'agrippèrent de nouveau à la silhouette de Spunk.

- Alors, ça veut tout simplement dire que tu fais parti de l'un d'eux. ceux qui ne le sont pas s'en rendent compte.

Il secoua légèrement la tête sur les côté, sa belle voix grave reprit le dessus, mais cette fois ci elle était plus chaude, plus abordable et plus sympathique. Compassion ...?

- Tu te rends compte, les humains sont ce genre de choses: il te nourrissent de préjugés, t'abrutissent et t'oxydent de faussetés. Ainsi ils sont devenus, ils t'ont fait croire bon nombre de choses, j'en suis certain. Toutes ces choses ne sont que dérision.
N'es-tu pas d'accord avec moi, un peuple n'est pas fait pour livrer la guerre et se répartir de sentiments imbéciles comme la volonté de puissance ? Ne devrions nous pas plutôt vivre en une communauté ? Que personne ne soit au dessus d'un autre ? qu'en dis-tu Spunk ?

Il le regardait moins intensément, il ne cherchait à convaincre en rien, juste à connaître un peu mieux cet étalon face à lui, savoir s'il était vraiment aussi borné que cette race humaine.