Il avait passé une journée médiocre. Le soleil avait tambouriné son crâne sans qu'il ne puisse trouver un abri, ou un peu d'ombre. Alors, il n'avait eu d'autres choix que de continuer à marcher, encore et encore. C'est lorsque le soleil avait frôlé la ligne de l'horizon qu'il avait relevé la tête. Ses prunelles s'étaient agrandies. Ses oreilles s'étaient pointées. Sa bouche s'était ouverte dans un mouvement d'admiration inconscient. Devant lui s'étendait l'un des plus beaux paysages qui lui ait été donné de voir. Le tableau semblait peint, irréel. Chez lui, de nombreux peintres se seraient disputés le modèle. Mais il n'était pas chez lui ; et il n'y avait aucun peintres. Seulement lui. Et le paysage ; peinture aux couleurs pastels mais vives à la fois. Et alors, c'est là que le soleil était entré dans la danse. D'un seul coup, il avait semblé s'embraser. Sa tenue, correcte et sobre, d'un jaune pâle, s'était soudain transformé en une robe orangée, digne du plus grand couturier. Et, comme une danseuse étoile dansant sur la piste, il s'était mis à lancer des éclairs de lumière fugaces et éphémères. Roméo était resté là, immobile. Puis, il l'avait vu.

Elle lui apparut comme hésitante. Quand, les rares secondes, il croisait son regard, il lui semblait qu'elle le fouillait. Comme si déjà, elle voulait le cerner. Comme si déjà, elle souhaitait le connaître. L'étalon ne savait qu'en penser. Alors, il décida ... de n'en penser rien. Il reporta son regard vers l'horizon. L'astre s'amusait avec la ligne de l'horizon. Ils semblaient danser, entraînés sur un air muet et qu'eux, simples être vivants, n'étaient pas permis d'entendre. Il laissa s'échapper des coins de ses lèvres un doux soupir discret. Puis, par curiosité, c'est vers la jument noire qu'il reporta son regard. Il croisa le sien et fut surpris d'y lire une certaine interrogation. Elle l'interrogeait, lui ? Il fronça les sourcils et esquissa un sourire, mi-amusé, mi-hésitant. Alors, baissant la tête et laissant son toupet prendre place devant ses yeux, il s'avança vers elle, d'un pas un peu plus naturel que celui des jours précédents.

Elle frissonnait sans aucune raison. Ayant l'impression d'être mise à nu. Comme-ci, on la jugeait. Que tout ce qui tourne autour d'elle l'épiait pour mieux la connaître. Son coeur se sera en pensant un instant à sa vie. Il était dur de ne plus se perdre quand on était dans sa position. En détournant le regard, elle retrouva toutes ses forces. Se replongeant dans sa carapace. Elle ne savait plus sur quoi penser, se sentant complètement à découverte. Et elle n'aimait pas cela. Se sentir aussi faible sous le regard de quelqu'un. Dans de tel moment, elle aimerait fuir. Partir à toute vitesse sans jeter un petit regard derrière elle. Mais elle ne fera rien. A quoi bon ? Il l'intriguait. Elle avait le sentiment qu'il avait quelque chose de différent. Quelque chose de superficiel. Mais elle ne le connaissait pas. Ce fier à elle-même n'était pas une bonne chose, mais était-ce mieux d'ouvrir les yeux et de tomber de haut ? La vérité n'est pas toujours bonne à prendre.

Sa voix perça le silence. Et elle fut surprise. Sa voix, bien que douce et berçante, lui semblait lointaine. L'impression que cette voix n'allait pas avec ce corps d'équidé la prit, mais cette pensée lui sembla bien loin quand il se replongea dans ses prunelles. Elle ne put s'empêcher de faire comme lui. De se noyer dans son regard. Il était sombre. Voilé de noir. Toutefois, cela ne l'arrêta pas. Ressentant l'envie de voir plus loin que ce noir intense, elle creusa dans son regard, espérant y trouver quelque chose de moins ténébreux. Perdait-elle son temps ? Peut-être, mais elle ne lâchera pas.

« Oui. C'est comme dans un tableau ; simple, mais tellement beau. » un sourire s'étira sur ses lèvres. Amusée par la situation et la fois complètement sérieuse. Elle ne savait pas comment agir, mal-à-l'aise avec son regard dans le sien. Elle se sentait passé aux rayons x. Paniqué, mais à la fois complètement confiante.

Le silence s’installa, comme un invité qui se mettait entre eux. Comme un mur qui venait de se construire et qui les séparait. Elle n’aimait pas ces moments où, dans sa tête, l’incertitude et la panique se mêlaient. Que faire, que dire. Elle voulait agir, toutefois, elle ne fit rien. Quoiqu’elle pense, ce silence ne lui était pas insupportable comme pouvait l’être d’habitude certains moments de doute. Essayant de lui faire comprendre qu’elle ne voulait plus qu’il cherche en elle, elle se détacha de son regard et fit tout pour ne plus y être attiré. Mais elle ressentit vite comme un manque. Comme ci ce regard lui permettait de garder les pieds sur terre et ne pas chanceler dans le vide. Mais elle ne pouvait le laisser lire en elle. Astrea était un comme un livre fermé d’un cadenas que personne ne se devait d’ouvrir. Il parlait. Sa voix ne lui fit plus l’effet d’un obus, mais plus d’une caresse. A la fois attiré et apeuré. Elle osa tourner son regard vers lui, mais ne se perdit pas dans ses prunelles noires. Roméo. C’est un bien joli prénom. Un mot qui sonnait avec une telle douceur qu’en le voyant, lui et sa sombre robe, on se demande qui n’est pas à sa place. Son nom ou bien lui. Plongé dans le spectacle qui s’offrait à elle, la jument en oublia toute forme de politesse et ne se présenta pas. C’était bizarre, mais elle n’avait pas envie de lui mentir et lui dire son nom, serait lui mentir. Avait-elle le choix ? De toute évidence, non.

« Roméo. Doux, innocent et en même temps plein de mystère… Roméo. » sa voix n’était qu’un murmure qu’elle ne voulait partager qu’avec lui. Il devait attendre une réponse d’elle, mais surement pas une telle réponse. Elle lâcha alors un vague soupir et baissa son regard vers ses antérieurs. « Astrea. Je m’appelle, Astrea. »