Sa vaste silhouette au port noble et svelte se détache avec légèreté de la foule d'ombres. La nuit de levée, l'air chaux et salé, il relève la tête entre deux embruns de tin et herbes aromatiques, victimes des victuailles chaleureuses du soleil.
Il regarde avec douceur la nuit, la dévisage sans pudeur, ne pense à rien, se laisse couler dans l'oubli profond qui manifeste ses rares heures de calme mental et sommeil.
Le ballotement inaudible du vent le pousse un peu de gauche à droite, son corps raide se délie, il se laisse faire quelques instants.
La nuit du sud n'est pas si froide, au contraire, elle est tiède et voir chaude, malgré le pesant hiver. Il sourit songeur, laisse les odeurs s'empreindrent à lui, sans rien dire, sans rien faire.
Le soir est lisse et couchant, il ne le regarde même plus, sa tête semble loin, son sommeil l'assaillit, il ferme ses magnifiques prunelles bleutées teintées d'une sérénité absolue.
Il se laisse faire.
Le temps passe avec lenteur et découverte, fulminant sur son corps trop parfait les accords vagues de la poussière.
Il dort sans dormir, l'air éreinte ses oreilles avec la douceur la plus extrême.
Il ne dit rien,
ne rêve pas;
tout simplement, il se laisse faire, aussi simplement que ça.

La nuit prend pied, infatigable et inflexible, elle se baisse et baise les mains de la lune avec une douceur compromettante. Les insectes transis du froid de l'hiver, se réveillent et craquent de leurs carcasses endolories. Ils esquintent leurs membres en cuirasse contre leurs corps, et doucement, la mélodie râle des bestioles, s'esclaffe d'entre les hautes herbes. L'étalon se laisse porter quelques instants par le bruit mélodieux, sa tête rêvasse.
Dans les mêmes accords subtiles du temps et de la nature, une voix se délie et rattache précieusement les notes filandres au coupe au vent. Le tout se fond à merveille dans l'air soyeux, s'y accroche et mousse par calibres. Il se laisse faire, sans comprendre le sens de ces notes. Sa tête vide et apaisée se revigore un peu, il lève une oreille, tourne lentement la tête et découvre sans stupéfaction la silhouette noire dans l'ombre nocturne et parfaite d'une jument.
Ses grands yeux d'un bleu profond s'évadent, il rattache les mots précédemment entendus pour former la phrase, il sourit. Le monochrome de sa voix résonne en accents flamboyants et convectifs, moins que d'habitude, mais un peu quand même.

- Un peu, ne fût-ce que quelques heures, cela m'a suffit, n'en ayez gêne.

Il la regarde sans vraiment d'émotions, il est encore tout engourdit pour ce faire. Mais son regard s'attarde sur la noblesse des formes, puis sa vue brouillée par le noir du ciel lui revient. Il sourit promptement.

- Il est bon de faire rencontre avec d'aussi charmantes personnes qui de plus on la langue assez soutenue pour pouvoir se présenter sans encombres.

Sa voix n'a rien d'un intérêt typique et masculin , juste de la politesse profonde, de la curiosité envers cet être qui pour sûr sait mieux se tenir que d'autres. Il secoue son beau pelage pie baie brûlant, revigore ses membres de quelques pas.

- Je suis Heaven, permettez moi d'escorter votre nuit vide de sommeil.